La mode en 1980, que deux générations de stylistes et d’industriels ont mise au point non sans mal. La presse, les grands magasins, des réseaux solides relaient sa production et en propagent l’influence. Mais à côté de ce consensus, les marginaux, catégorie branchée sur le courant alternatif, exercent un pouvoir souterrain sur les modes non-alignées.
Des tendances qu’on dénigre, mais qui n’en sont pas moins sournoisement observées, auscultées, et éventuellement consciencieusement pillées. D’un bastion à l’autre, on ne cesse plus, pendant dix ans, de se traiter de voleurs. Une fois la paix signée, dans les années quatre-vingt-dix, tout le monde tombe d’accord pour faire porter partout les mêmes choses au même moment. Les marginaux auront vécu. Les « fashion-victims » des années 1980 n’avaient que faire de ce concept égalitaire du « beau pour tous« . Cette idée à peu près acquise auprès des grands distributeurs, nos têtes chercheuses se mettent en quête d’une nouvelle singularité.
Quand le prêt à porter s’inspire de la haute couture
Dans leurs efforts pour sortir des sentiers battus de la mode, beaucoup revisitent comme des classiques les chefs-d’œuvre en péril de la haute couture. Tandis que de nouveaux opérateurs s’empressent d’acquérir d’anciennes marques, un jeune public fait du neuf avec du vieux. On parle de sur mesure, de robes de bal, des fastes d’antan. Un mot disparu du langage refait alors surface, le mot « baroque ». Il est logique, dans ce contexte et pour parfaire un tableau où foisonnent les contradictions, qu’une fraction de la société qu’on croyait à jamais disparue avec les années soixante fasse à nouveau parler d’elle vingt ans après.
Les tendances reprennent de vieux standards
Les hommes prennent indifféremment le portefeuille, le sac à bandoulière ou la sacoche. Les femmes n’ont pas de ligne de mode proprement dite et portent les vêtements qui leur plaisent…
La classe très aisée financièrement adhère à cette nouvelle mode
Avec son éclat, et ses dépenses si profitables aux industries du luxe, la mondanité, de 1980 à 1990, renait des cendres de la contestation. Les riches, leurs satellites, leurs caricatures n’étaient pas morts. Ils s’étaient seulement fait oublier. Échangeant bal à Versailles et train de maison pour bronzage en mer et comptes en Suisse. Chez eux comme ailleurs, le jean a triomphé de la parure. L’arrivée au pouvoir en France d’une coalition socialo-communiste en 1981 semblait devoir empirer encore cet état de fait. Mais, ni la mode, ni les Parisiens ne sont à un paradoxe près. C’est là sans doute leur charme.
La mode et le pouvoir politique en 1980
Tandis que l’Amérique prenait ses distances, que les banques, les maisons de luxe ou la couture faisaient le gros dos, beaucoup de jeunes créateurs de mode parisiens qui partageaient eux-mêmes des idéaux généreux, encore qu’assez vagues, se jetaient au cou du nouveau pouvoir. Relation d’autant plus judicieuse qu’en France, depuis le XVIIe siècle, il n’est de directions artistiques qui n’émanent des sommets de l’État.
La mode entre dans les musées
Dès 1983, Paris annonçait l’ouverture prochaine d’un musée des Arts de la mode (dans l’aile droite du musée du Louvre). Tandis que grands couturiers et créateurs de prêt-à-porter étaient reçus, fêtés, promus au coude à coude par le président de la République, François Mitterrand. Dans les salons du palais de l’Élysée, prononçant un vibrant éloge de la mode, celui-ci conclut par cette formule qui, bien qu’inexacte, fût alors considérée comme définitive : » Les pays qui ne connaissent pas la mode sont les pays de l’uniforme ».